17 juillet 2025

Laurence Comte-Arassus : « Osez rêver de leadership, Osez être un leader mesdames »

Laurence Comte-Arassus : « Osez rêver de leadership, Osez être un leader mesdames »

Dans le cadre de notre prochaine soirée, le 15 septembre prochain, sur le thème « Femme et Santé », nous avons échangé avec Laurence Comte-Arassus, Présidente du SNITEM, sur la place du leadership féminin dans le monde de la santé. Morceaux choisis.

Laurence, avant toute chose, pouvez-vous nous retracer votre parcours, depuis vos débuts en dispositifs médicaux jusqu’à vos fonctions actuelles au SNITEM ?

A 16 ans, je voulais être Chirurgien en Afrique car à cette époque-là, on ne disait pas chirurgienne. Vous pourriez retrouver une partie de mon parcours d’une femme de santé, investie dans la santé, le dispositif médical et l’innovation au sens large en gardant l’Humain au centre et prônant une égalité réelle et durable dans la santé et au-delà dans mon premier TedX de Caen.

J’ai passé plus de 30 ans dans la santé et tout particulièrement dans  le dispositif médical en allant du terrain au contact des clients et des patients, en passant par le leadership de Business Units très différentes de la cardiologie au diabète à un poste de Présidente chez Medtronic puis General Manager chez GEHealthCare  d’un cluster intégrant la France, le Benelux et l’Afrique Francophone (FBFA). Actuellement, Présidente non opérationnelle de GE HealthCare France et Directrice des affaires gouvernementales pour la zone FBFA et des grands projets MadeinFrance. Active au Snitem depuis plus de 25 ans, Présidente, renouvelée au mois de juin, j’ai aussi été nommée Chevalière de la légion d’honneur en 2024 pour ma carrière dans la santé et tout particulièrement dans l’innovation tant technologique, organisationnelle que Humaine.

À quel moment avez‑vous pris conscience, en tant que femme, des obstacles ou spécificités liées à la mixité dans ce secteur ?

Le moment clef a été ma nomination au poste de Présidente chez Medtronic France. Toutes mes collaboratrices sont venues à moi en me disant :  cela à l’air facile pour toi d’évoluer dans ce monde d’Hommes, mais pour nous cela est vraiment compliqué à tous les niveaux, de l’organisation à l’évolution. Aide-nous ! Cela  a été un électrochoc de me dire que ce n’était pas plus facile d’être une femme dans un monde d’homme, que jeune ou sénior, de couleur ou de religion diverse ou handicapé.

Pour moi, avoir des équipes diverses a toujours été une évidence ! J’ai été très jeune manager au comité de direction à 26 ans et j’ai toujours vu que les équipes diverses étaient plus efficaces à tous les niveaux bien avant que les études le démontrent. Pour moi, les clefs avaient été le courage, l’organisation, le sens des patients, l’Amour des équipes et quelques fois un grain de folie.

Quel est votre sentiment sur la représentation des femmes dans les postes exécutifs de la santé aujourd’hui ?

Il y a encore beaucoup de travail car même dans la pharma où il y a une majorité de femmes, il y a un grand nombre de leaders homme. De plus, à chaque réorganisation, on voit beaucoup plus de femmes partir et les ratio homme / femme en souffrir. En résumé, je confirme qu’il y a encore beaucoup de travail malgré toutes les initiatives en cours et quitte à choquer quelques âmes, nous sommes encore loin pour certain de l’idée de l’égalité.

Quels freins structurels (culturels, organisationnels) observez‑vous encore pour les femmes qui aspirent aux postes de direction ?

Deux points me semblent très critiques : 

L’éducation, rappelons-nous que tous se joue dans les milles premiers jours. Il faut prendre la lutte contre les biais le plus tôt possible, dès la maternelle et former, voir déformer les instituteurs et les professeurs.  

Le deuxième, oui, il faut être organisé si nous souhaitons une famille mais cette responsabilité doit être partagée. Il faut des rôles model diverses afin que les jeunes femmes puissent réellement y croire et qu’elles ne se disent pas qu’il faut être superwoman mais trouver sa propre organisation, comme le font les hommes ou encore mieux, s’organiser ensemble et savoir se faire aider. 

Et en fait, un troisième point, personnellement, j’ai l’impression que s’il n’y a pas d’obligation tel que les quotas en politique, on risque de mettre bien plus longtemps que nos 280 ans pour l’égalité.

Comment transformez‑vous les principes d’inclusion en pratiques concrètes (recrutement, mentoring, parcours de carrières, etc.) ?

Beaucoup est fait chez GEHealthCare et dans ma précédente société, est-ce que cela bouge suffisamment vite ? NON. Le contexte actuel mondial est d’ailleurs très inquiétant.

Chez GEHealthCare, nous avons la chance d’avoir un Women network incroyable qui travaille tant sur l’évolution, la santé des femmes, les biais que l’inclusion des hommes….

Nous avons des programmes  de mentoring, de coaching, de travail sur les biais, de groupes de discussions et de parcours de carrière. En termes de recrutement, il faut une politique volontariste. Nous savons que s’il n’y a pas 60 % de CV féminin, il n’y a que très peu de chances d’avoir un manager féminin. Et plus le niveau est élevé et plus c’est vrai. Ma conviction personnelle est qu’il faut une vraie volonté au plus haut niveau et que la diversité est une source de création de valeur et de croissance. 

À l’échelle du secteur santé français et européen, quelles politiques (publiques ou internes) permettraient de soutenir ces démarches ?

La France a déjà beaucoup fait, elle doit continuer quoi qu’il arrive pour la diversité et pas que pour les femmes. Les quotas qui sont assez mal aimés sont tout de même un accélérateur comme nous l’avons vu dans le monde politique. De plus, la diversité marche dans les deux sens. Un monde uniquement de femmes ne me fait pas rêver.

J’ajouterai qu’il y a un grand nombre d’initiatives mais que Women For CEO, mouvement paritaire by Design comme aime à le répéter Florence Dupré sa créatrice, peut accélérer je l’espère ce mouvement car impactant un grand nombre de société du médical. Il y aussi Women in Medtech par exemple.

Sur quels chantiers (formation, sensibilisation, gouvernance) miser pour que la santé soit un secteur d’avenir véritablement inclusif ?

Sincèrement les trois car nous devons agir maintenant mais aussi sur le temps long.

La sensibilisation dès le plus jeune âge comme je le disais, à l’école mais aussi dans les familles. Personnellement, j’ai été élevée par un père qui n’a jamais fait de différence. Mais, c’est quand même mieux d’être élevé par deux parents qui ne font pas de différence quand c’est possible.

La formation et en commençant dès la petite enfance et surtout en formant les hommes et les femmes . On fait beaucoup de formation aux biais, il faut en faire le plus tôt possible et tout au long de sa carrière.

Les quotas peuvent faire parti de la gouvernance et aide surtout à penser le recrutement différemment et l’organisation des équipes diverses pour le bien des patients et des employés.

Si vous deviez formuler un message clair à l’attention des jeunes femmes qui se destinent à la santé et rêvent de leadership : que leur diriez‑vous ?

Osez être vous-même

Osez Rêver de leadership

Osez être un leader mesdames

Et nous oserons un système de santé résolument tourné vers le patient et vers l’avenir et donc pérenne.