3 juin 2025
Feuille de route du numérique en santé : état des lieux à mi-parcours avec David Sainati - 2ème partie
Feuille de route du numérique en santé : état des lieux à mi-parcours avec David Sainati - 2ème partie
Lancée en 2023, la deuxième feuille de route du numérique en santé entend transformer en profondeur le système de santé français grâce aux outils numériques. Suite de notre entretien exclusif avec David Sainati, co-responsable de la Délégation au numérique en santé.
L’intelligence artificielle fait partie des grands enjeux du moment. Quelle place lui est réservée dans cette feuille de route ?
La feuille de route sur l’IA en santé annoncée par Monsieur le Ministre Yannick Neuder lors du Sommet pour l’action sur l’IA s’intègre dans la feuille de route du numérique en santé. Cela fait en effet plus de cinq ans que nous soutenons en interministériel le développement de l’intelligence artificielle en santé d’abord avec le « Grand défi IA en santé » puis avec la stratégie d'accélération « Santé numérique » qui ont permis de poser un cadre propice et financer des projets d’envergure qui intègrent l'intelligence artificielle.
Nous avons récemment publié un état des lieux de toutes les actions qui sont mises en œuvre par le Ministère et les opérateurs du ministère de la Santé autour de l'intelligence artificielle. Ce document est notre base de travail pour la feuille de route de l’IA en santé qui sera mise en consultation publique avant l’été.
La place qui est réservée à l'intelligence artificielle au sein de la feuille de route du numérique en santé est déjà importante, plusieurs actions clés peuvent être citées.. Tout d’abord nous avons œuvré pour que la formation au numérique en santé (dont l’IA) soit rendue obligatoire dans tous les cursus de formation des professions médicales et paramédicales.
Nous avons également financé un large programme de recherche (PEPR Santé numérique) doté de 60 millions qui a pour objectif le développement de nouveaux modèles et algorithmes, notamment pour l'intelligence artificielle ou bien le développement de jumeaux numériques.
Autre exemple, nous avons financé une trentaine de tiers-lieux qui permettent la co-construction des innovations numériques au plus près des usagers et évidemment, l'intelligence artificielle fait partie des thématiques qui sont sur le haut de la pile. En outre, bénéficier d’un accès facilité aux données est une condition essentielle pour entraîner des algorithmes et réaliser des évaluations cliniques par exemple.
Nous travaillons activement pour fluidifier l’accès aux données de santé pour la recherche et l'innovation, c’est ainsi que nous avons financé la consolidation et la création d’un réseau de 16 consortiums d’entrepôts de données hospitaliers. Toutefois cet accès aux données est souvent complexe et long, à titre d’exemple il peut s’élever à plus de 18 mois pour l’accès aux données de la base principale du SNDS. Ceci peut paraître dissuasif pour bon nombre d'acteurs qui sont tentés de s’orienter dans d'autres territoires, d'autres marchés pour développer leurs innovations.
Des actions concrètes pour réduire ces délais et faciliter l’accès aux données pour la recherche et l’innovation seront lancées prochainement dans le cadre de la stratégie sur l’utilisation secondaire des données de santé, en lien avec les travaux sur l’IA précédemment cités.
Comment la feuille de route intègre-t-elle les enjeux d’éthique numérique et de sobriété numérique ?
L’éthique est un des trois piliers de la doctrine du numérique en santé. Son développement est une condition indispensable à la confiance et aux usages du numérique en santé.
Nous avons progressivement structuré un véritable cadre éthique du numérique en santé en lançant dès 2019 une cellule éthique du numérique en santé au sein de la DNS, avec plusieurs groupes de travail en interface avec l'écosystème pour pouvoir travailler sur des livrables concrets.
Des actions de sensibilisation et d’échanges avec l’écosystème ont été menées comme la réalisation de films de sensibilisation, la conduite de journées régionales de rencontres et de débat sur le sujet de l'éthique du numérique en santé…
Nous avons également lancé une plateforme d'éthico-vigilance pour permettre à l'ensemble des utilisateurs des outils numériques de signaler des sujets éthiques qui les marquent dans leur parcours d'utilisateur. Cette plateforme est disponible sur le site sante.fr et mérite d’être davantage connue.
La question de l'impact du numérique en santé sur le plan environnemental est au cœur des travaux de la cellule éthique du numérique en santé. Concernant la sobriété numérique, nous avons publié un premier rapport sur l'impact environnemental du numérique en santé en mai 2021.
S’en est suivi plusieurs actions dont le développement d’un éco-score qui est un indicateur qui représente l'impact environnemental d'une application web ou mobile et qui se calcule à partir de divers critères qui sont évalués à chaque étape du parcours utilisateur de la solution. Sont prises en compte dans ce calcul la consommation d'énergie, les émissions gaz à effet de serre, la performance énergétique des serveurs, la gestion des déchets électroniques, l'utilisation des ressources renouvelables, etc.
Nous demandons à l'ensemble des services qui souhaitent être référencés au catalogue de services de Mon espace santé de passer cet éco-score, comme condition préalable au référencement.
Comment accompagnez-vous les professionnels de santé dans l’appropriation des outils numériques ?
L'accompagnement des professionnels santé est réalisé en synergie à plusieurs niveaux par l'Agence du numérique en santé, les Grades, les ARS et le réseau de l'Assurance maladie.
Le réseau de l’Assurance maladie, via les délégués numérique en santé, accompagne les professionnels de santé libéraux dans l’utilisation des outils numériques proposés par l’Assurance Maladie et notamment le déploiement des mises à jour Ségur de leurs logiciels métiers, mais aussi le déploiement de l'ordonnance numérique ou l'usage de Mon espace santé en routine.
L’ANS, les ARS et les Grades accompagnent les établissements de santé et des professionnels de santé sur le déploiement des bonnes pratiques, formations, actions d’accompagnement et d’audits de cybersécurité, ils contribuent également activement à l’animation d’un réseau de médiation numérique pour accompagner les citoyens éloignés du numérique.
Par ailleurs, l’accompagnement des professionnels de santé vis-à-vis du numérique en santé passe par la formation : à la fois la formation initiale et la formation continue. C'est un enjeu important de la feuille de route. Nous avons engagé 119 millions d'euros sur la formation au numérique en santé et permis la création de formations au numérique dans la totalité des UFR à secteur santé et de nombreux établissements de formation paramédicaux.
On a vraiment changé la donne sur ce champ en rendant obligatoire la formation au numérique en santé (28 h de cours) dans les premiers cycles des études médicales et paramédicales.
Tous les professionnels, les apprenants qui sortiront diplômés auront ce vernis numérique en santé indispensable et acquis des réflexes, notamment par rapport à l'intelligence artificielle, la cybersécurité, à l'utilisation de Mon espace santé, qui permettront le déploiement des usages et de développer la confiance. De nombreuses actions restent encore à mener dans le champ de la formation notamment en matière de formation continue.
À l’horizon 2027, à quoi ressemblera, idéalement, l’écosystème numérique en santé français ?
2027, c’est demain. Si je me projette à cet horizon nous aurons une alimentation croissante de Mon espace santé, grâce notamment à la vague 2 du Ségur numérique, pour augmenter les usages de Mon espace santé. Ce carnet de santé numérique, universel, hébergé en France et gratuit sera ainsi devenu un incontournable pour les citoyens et les professionnels de santé qui gagneront un temps précieux dans l’accès à l’historique médical et bénéficieront d’une amélioration des parcours de santé et de prévention.
Le règlement concernant l’Espace européen des données de santé (EEDS) va également ouvrir de nouvelles perspectives pour le numérique santé, sur l’utilisation primaire des données, mais aussi la recherche et l’innovation. Ce règlement renforce les droits des personnes sur leurs données de santé, créée un marché unique des dossiers médicaux électroniques en harmonisant les exigences en matière d’interopérabilité, et il créée une échelle européenne pour la réutilisation des données de santé avec un accès facilité, dans des délais raccourcis et dans un cadre sécurisé assurant une protection forte des données.
De belles ambitions que nous travaillons dès aujourd’hui avec tout l’écosystème pour faire de la France un leader en santé numérique !