26 mai 2025
Feuille de route du numérique en santé : état des lieux à mi-parcours avec David Sainati - 1ère partie
Feuille de route du numérique en santé : état des lieux à mi-parcours avec David Sainati - 1ère partie
Lancée en 2023, la deuxième feuille de route du numérique en santé entend transformer en profondeur le système de santé français grâce aux outils numériques. Deux ans après son lancement, où en est-on réellement ? Éléments de réponse avec David Sainati, co-responsable de la Délégation au numérique en santé.
David, pouvez-vous nous rappeler le rôle et les missions de la Délégation au numérique en santé ?
La DNS est une jeune direction d'administration centrale qui a été initialement créée en 2019 à l'origine de la première feuille de route du numérique en santé. Cette délégation, qui était à l'époque une délégation ministérielle est devenue une direction d’administration centrale en 2023.
Nous avons la chance et le plaisir de travailler avec de nombreux partenaires publics, privés, nationaux, régionaux au premier rang desquels l'Agence du numérique en santé, dont nous avons la tutelle et qui est notre bras armé pour la mise en oeuvre de la feuille de route, mais aussi l'Assurance maladie avec qui nous mettons en œuvre Mon espace santé.
Nous collaborons également avec les autres directions du Ministère, les Agences régionales de santé, les fédérations, les associations représentant des différentes parties prenantes de l'écosystème avec qui nous déployons cette feuille de route ambitieuse et quinquennale sur le numérique en santé.
Quelles sont les grandes ambitions de la feuille de route 2023-2027 du numérique en santé ?
La première feuille de route 2019-2022 a principalement permis de poser les socles techniques nécessaires au développement du numérique en santé autour de l'interopérabilité de la sécurité.
Avec la deuxième feuille de route 2023-2027, nous nous attachons à développer la confiance et les usages du numérique en santé pour une utilisation sécurisée, fluide, du numérique dans le cadre des soins par les professionnels de santé et autour du patient.
A titre d’exemple, la deuxième vague du programme Ségur numérique va ainsi permettre de davantage développer les usages de Mon espace santé dans le quotidien des professionnels de santé avec la consultation de Mon espace santé intégrée dans les logiciels professionnels.
Quelles sont les principales avancées réalisées depuis son lancement ?
Les avancées sont déjà très nombreuses. Avant toute chose, je tenais à remercier tous les partenaires. Nous ne pourrions rien faire sans tous les partenaires institutionnels nationaux, régionaux (l’Assurance maladie, les ARS, les Grades…), mais aussi les établissements, les représentants des professionnels de santé, des usagers, des industriels, les innovateurs, les chercheurs... Il s’agit vraiment d’un engagement un collectif.
Comme avancée majeure, on peut citer Mon Espace Santé qui est un peu la pierre angulaire de la feuille de route en tant que carnet de santé numérique de tous les Français. Avec l'Assurance maladie, nous mettons en œuvre ce service national qui connaît une très belle progression.
Chaque mois, c'est plus de 700 000 nouveaux usagers qui activent leur profil Mon espace santé. Aujourd'hui, c'est plus d'un quart des Français qui ont activé Mon espace santé, avec même des départements qui atteignent plus de 28%, par exemple en Isère ou en Gironde. On voit vraiment les taux d’activation qui progressent très rapidement.
Un de nos gros défis était l'alimentation de ces carnets de santé. Grâce au Ségur numérique, une large majorité d'établissements et de professionnels de santé sont maintenant équipés en logiciels leur permettant de transmettre de manière simple et systématique des documents de santé dans Mon espace santé. Au mois de mars, en rythme annuel, c'est plus de 400 millions de documents qui sont mis à disposition des usagers dans Mon espace santé, soit plus d’1 document sur 2 produits dans le système de santé, cela représente environ 6 documents mis à disposition par habitant en rythme annuel. C’est quand même un changement de paradigme.
L'enjeu, c'est dorénavant que ces données puissent être utilisées en routine par tous les professionnels de santé, et par les patients. En 2024, les usages en termes de consultation dans Mon espace santé ont cru et le nombre de documents en consultation a fortement augmenté :
côté usagers, c'est plus de 2,3 millions d'usagers qui chaque mois y consultent 7 millions de documents au sein de leur profil Mon espace santé, Plus de 90% des documents alimentés dans les comptes activés sont d’ailleurs consultés.
et côté professionnels de santé, c’est plus de 600 000 documents qu’ils consultent au mois de mars au sein des profils Mon espace santé de leurs patients.
Cette dynamique a vocation à s'accélérer progressivement à partir de 2025 avec le déploiement de la vague 2 du Ségur. La priorité de cette vague est l'accès en consultation des documents depuis les logiciels de manière fluide et sécurisée.
Avec la mise à jour de l'ensemble des logiciels hospitaliers, médico- sociaux, d'imagerie médicale, biologie, médecine de ville, d'officine…Le Ségur Numérique est un programme ambitieux avec un mécanisme d’action et une gouvernance tout à fait inédite, porté par une co-construction avec les associations de patients, les représentants de professionnels, établissements sociaux, médico sociaux, sanitaires, et bien entendu les éditeurs.
En décembre 2024, et avec la fin de cette vague 1 du Ségur, une grande majorité des professionnels et établissements bénéficient d’une version de leur logiciel référencé Ségur et alimentent Mon espace santé :
Environ 2.000 établissements hospitaliers sont équipés sur chacune des 3 briques logicielles concernées, représentant +80% de l’activité hospitalière du pays
Chez les médecins de ville : +50.000 médecins équipés
En biologie médicale : deux tiers des laboratoires de biologie médicale et ville, et un quart des laboratoires hospitaliers
En imagerie : un parc équipé représentant environ 75% des actes d’imagerie
Dans le secteur médico-social : un établissement éligible sur 2 a bénéficié de la mise à jour
Le virage de la prévention est un axe fort de cette feuille de route. Comment le numérique y contribue-t-il ?
Le numérique est un levier essentiel pour développer la prévention de manière concrète. Sur la prévention primaire, nous utilisons par exemple Mon espace santé pour diffuser des messages de prévention qui seront d’ailleurs de plus en plus personnalisés. Pour cela on s’est notamment appuyé sur les recommandations du Comité citoyens du numérique en santé de 2022 qui abordait spécifiquement l’enjeu du développement de la prévention personnalisée dans Mon espace santé.
Concrètement, Mon espace santé permet aux utilisateurs qui le souhaitent de recevoir des messages personnalisés de prévention via différentes fonctionnalités en fonction leur profil et qui les invitent à certaines actions de prévention. C’est également Mon espace santé qui permet de facilement remplir les auto-questionnaires pour préparer les bilans de prévention aux âges clés lancés dernièrement. Mon espace santé référence également au sein de son catalogue de services (une sorte de « store » d’applications) des applications de santé éditées par des acteurs privés et publics proposant des services liés à la prévention, l’accompagnement et au soin.
Pour la prévention secondaire, nombreux sont les outils numériques qui permettent d'améliorer la prise en soin des patients et faire gagner un temps précieux aux professionnels de santé et favoriser une meilleure coordination des soins. Dans le cadre de la Stratégie d’accélération « santé numérique » que nous pilotons dans le cadre de France 2030 et dotée de plus de 700M€, nous avons aidé le développement, l’expérimentation, l’évaluation et la mise sur le marché de nombreux dispositifs numériques d’aide au diagnostic et de dépistage. Nous avons financé à date plus de 500M€ pour plus de 225 projets issus d’entreprises, d’établissements de santé, d’établissements de formation et de recherche de toutes tailles.
Nous avons notamment financé des projets sur la thématique de la cardiologie, l’anatomocythopathologie, l’oncologie et l'imagerie médicale qui, portées par les avancées de l'IA, offrent de nombreuses opportunités concrètes pour des diagnostics plus précoces ou pour l'aide au dépistage.
En termes de prévention tertiaire, on insistera notamment sur le développement de la télésurveillance. Nous avons été un des premiers Etats à prendre en charge la télésurveillance médicale, c’est vraiment une belle avancée. On observe aujourd'hui de nombreux services numériques qui ont été référencés et qui sont pris en charge pour la télésurveillance dans différentes verticales.
Il reste des marches à franchir principalement en termes de déploiement et d’accès au marché pour l’ensemble de ces dispositifs numérique dédiés à la prévention mais nous avons lancé une belle dynamique ces dernières années et continuerons de l’amplifier.
Suite de cet entretien à suivre prochainement autour des sujets de l'intelligence artificielle, les enjeux éthiques, la sobriété numérique, l'accompagnement des professionnels de santé