14 mai 2025
Damien Parisien : « Garantir l’accès aux traitements est devenu un enjeu de sécurité nationale »
Damien Parisien : « Garantir l’accès aux traitements est devenu un enjeu de sécurité nationale »
La souveraineté industrielle dans le domaine de la santé s’impose progressivement comme un enjeu stratégique majeur pour la France. Au cœur de cette reconquête, des acteurs comme Benta Lyon, entreprise pharmaceutique implantée dans la région lyonnaise, s'engagent pour relocaliser la production et redonner à l’industrie française les moyens de répondre aux besoins de sa population. Nous avons rencontré Damien Parisien, Directeur Général Exécutif de Benta Lyon, qui nous livre en exclusivité son regard sur les défis à relever, les leviers d’action, et les conditions d’un véritable renouveau industriel.
Damien, avant d’entrer dans le vif du sujet, pouvez-vous nous rappeler ce qu’est Benta Lyon, son rôle dans le paysage industriel de la santé en France ?
BENTA Lyon est un laboratoire pharmaceutique français et un CMO/CDMO, implanté à Saint-Genis-Laval, près de Lyon, sur un site industriel historique de 16 hectares. Depuis sa reprise en 2020 par notre actionnaire Bernard Tannoury, nous avons pour mission de sécuriser l’approvisionnement en médicaments essentiels. BENTA Lyon produit des formes sèches, pâteuses, liquides non stériles et prochainement injectables. En 2024, nous avons lancé un paracétamol 500 mg fabriqué en France et un paracétamol pédiatrique qui arrivera prochainement sur le marché. Avec plus de 125 collaborateurs, nous sommes pleinement engagés dans la relocalisation industrielle et la reconquête de la souveraineté sanitaire française.
Pourquoi la question de la souveraineté industrielle en santé est-elle devenue aussi cruciale ces dernières années ?
La crise sanitaire du Covid-19 a révélé notre dépendance aux importations, notamment pour les principes actifs. Les pénuries répétées, les tensions géopolitiques et la fragilité de la chaîne d’approvisionnement ont souligné l’urgence de réinvestir dans l’outil industriel. « Garantir l’accès aux traitements est devenu un enjeu de sécurité nationale ».
Quel rôle une entreprise comme la vôtre peut-elle jouer dans cette reconquête de souveraineté ?
BENTA Lyon joue un rôle moteur. Nous avons fait le choix de produire en France, en privilégiant des approvisionnements locaux, notamment dès 2026 avec Seqens pour le paracétamol. Nous relocalisons plusieurs molécules, parmi lesquelles six molécules critiques, soutenus par les dispositifs publics comme France 2030, le Conseil Régional et les institutions en Auvergne-Rhône-Alpes. Nous investissons dans de nouvelles lignes de production pour proposer une offre compétitive, qualitative, capable de répondre rapidement aux besoins du marché français.
Quels sont, selon vous, les points faibles actuels de l’industrie pharmaceutique française sur ce sujet ?
La dépendance aux importations, le sous-investissement industriel et la pression sur les prix des médicaments génériques freinent la relocalisation. Pourtant, la France dispose de compétences et d’infrastructures à valoriser. Il est temps de moderniser l’outil industriel et de restaurer notre autonomie.
Est-ce que produire localement est aujourd’hui économiquement viable face à la concurrence internationale ?
C’est un défi face à la concurrence asiatique et indienne à bas coût. La viabilité économique repose sur l’innovation, l’automatisation, le soutien public et la valorisation du « Made in France ». Avec une politique industrielle adaptée, la production locale peut redevenir compétitive, tout en assurant qualité et sécurité.
Quelles mesures concrètes attendez-vous des pouvoirs publics pour soutenir cette relocalisation industrielle ?
Des incitations fiscales, aides à l’investissement, une politique de prix adaptée aux génériques et une simplification des procédures réglementaires sont indispensables. France 2030 constitue un signal fort, pour autant cet effort doit impérativement s’inscrire dans la durée pour reconstruire une l’industrie pharmaceutique robuste.
Les aides actuelles sont-elles suffisantes et bien ciblées ?
Elles sont positives et ont permis des projets structurants, comme la relocalisation de six molécules essentielles (dans les domaines de l’infectiologie ou encore de la cardiologie) et du paracétamol pédiatrique, mais elles restent encore limitées. Il faut pérenniser, élargir et adapter ces dispositifs aux réalités de la filière.
Comment intégrer les enjeux environnementaux dans cette logique de relocalisation ?
La relocalisation doit aller de pair avec une politique environnementale ambitieuse. Cela passe par des circuits courts, des procédés plus propres et une stratégie de décarbonisation. Chez Benta Lyon, nous privilégions les fournisseurs locaux et nous visons une réduction significative de notre empreinte carbone d’ici 2030. Nous venons d’obtenir la certification Ecovadis, un référentiel reconnu en matière de performance RSE.
Enfin, si vous aviez un message à faire passer aux décideurs politiques, quel serait-il ?
La souveraineté sanitaire est une priorité nationale. Nous avons besoin d'une vision à long terme et d’un soutien constant, fondés sur les investissements, une politique industrielle cohérente et un cadre réglementaire adapté. Soutenir l’industrie pharmaceutique, c’est investir dans la santé et l’emploi. Les équipes de BENTA Lyon sont pleinement mobilisées pour relever ce défi.