Antoine Tesnière : "Faire de l’Europe le champion mondial de l’IA en santé"

L’intelligence artificielle (IA) est en train de transformer profondément la santé, de l’aide au diagnostic à la découverte de médicaments, jusqu’à la personnalisation des parcours de soins en passant par les grandes transitions comme la prévention. Dans cette évolution mondiale, l’Europe possède des atouts considérables – encore trop méconnus – pour devenir l’un des leaders de l’IA en santé.

Nos universités et instituts de recherche figurent parmi les meilleurs au monde dans les domaines des mathématiques, de l’algorithmique,et des biostatistiques. Des réseaux hospitalo universitaires de recherche, de soins, de formation, des réseaux industriels, des centres d’excellence en imagerie médicale et en bio-informatique, ainsi que des équipes de recherche hospitalières pionnières, produisent déjà des avancées majeures. Sur le terrain entrepreneurial, de nombreuses start-up européennes innovent en télésurveillance, en imagerie, en analyse de données cliniques ou en modélisation numérique, et plusieurs industriels – de la pharmaceutique à l’équipement médical – développent et intègrent déjà des solutions d’IA dans leurs produits et services.

L’Europe se distingue également par sa capacité à encadrer l’innovation de manière responsable. Le règlement européen sur l’IA (AI Act), les lignes directrices de l’EMA et de la Commission européenne sur l’usage des données de santé, ou encore les initiatives sur l’espace européen de données de santé (EHDS), posent les fondations d’un cadre éthique, transparent et protecteur des patients. Ajoutons à cela que le RGPD rend possible la libre circulation des données à travers les pays de l’Union. Ce bagage législatif est un atout stratégique. Il permettra d’instaurer la confiance des citoyens et des soignants, condition indispensable à l’adoption de ces technologies sensibles.

Pour autant, si nous voulons que l’Europe soit un véritable champion mondial de l’IA en santé, plusieurs verrous doivent être levés. Comme le souligne le rapport de Mario Draghi, l’investissement en capital-risque reste très en deçà de celui des États-Unis ou de la Chine, ce qui freine la montée en puissance de nos start-up. La création d’un réel espace réglementaire d’accès au marché harmonisé est également un levier essentiel pour garantir aux entreprises la croissance à l’échelle de l’ensemble des états membres.  L’accès aux données de santé, malgré les progrès permis par le RGPD et les infrastructures de partage, demeure encore trop fragmenté et lent pour permettre un entraînement efficace des modèles d’IA, et il est essentiel que la mise en place de l’espace de données de santé européen facilite cela. Enfin, le transfert de technologie entre recherche académique et industrie doit être simplifié et accéléré.

Il est temps de passer à l’échelle. L’Europe doit capitaliser sur ses pôles d’innovation pour leur permettre de dépasser la Silicon Valley, mettre en place des programmes d’investissement massifs et coordonnés, et créer un véritable marché unique de la donnée de santé. Les partenariats public-privé doivent être renforcés, et les cliniciens associés dès les premières phases de conception pour garantir la pertinence et la sécurité des solutions.

Nous sommes convaincus que l’Europe peut devenir la référence mondiale d’une IA en santé à la fois performante, éthique et souveraine. C’est à cette condition que nous ferons ensemble de l’IA non pas une menace, mais un allié pour les patients, les soignants et l’ensemble de nos systèmes de santé.

Antoine Tesnière

Directeur général PariSanté Campus